Le dossier du mois : l’accès aux mobilités 


La France compte parmi l’un des pays européens les plus ruraux. Et pourtant, seulement un tiers de nos concitoyens continuent de vivre dans nos campagnes. Asséchées par la désertification du service public et le manque d’infrastructures, nos campagnes se vident au profit des zones urbaines. Face à ce fléau qui rime avec abandon, le développement des mobilités est plus que jamais central.
 
Si l’accès aux mobilités est un élément essentiel de l’insertion sociale et professionnelle, de développement et d’attractivités de nos villes et villages, le rôle des mobilités doit pour autant être appréhendé dans sa globalité.
 
On constate depuis des années un nombre de plus en plus important de fermetures de gare, justifiées principalement par un manque de rentabilité du rail sur le plan économique. Toutefois, d’autres solutions existent : ce qui n’est pas dépensé aujourd’hui peut l’être sous la forme d’une compensation carbone ou d’outils en réponse à l’urgence climatique, particulièrement coûteux.
 
Nos territoires sont divers et les services de mobilités mutltiples. Cela explique en partie la difficulté d’élaborer des solutions clés en main. L’objectif dit de mobilité propre est par exemple particulièrement ambitieux dans les territoires où la voiture reste le premier mode de transport. Aujourd’hui encore, 3,3 millions de français parcourent au quotidien plus de 25km en voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Ces mêmes personnes, vivant en milieu rural considèrent leur voiture comme moyen de transport essentiel. Quant aux communes dites « denses », on observe davantage une diversification des moyens de mobilité urbaine qui tendent vers une mobilité dite « durable » : vélo, transports en commun…
 
Pour faire face à l’urgence écologique, la décarbonisation du secteur du transport réduit l’utilisation des véhicules individuels et donc polluants. Il faudrait alors se diriger vers un modèle de partage des transports plus développés.
 
L’un des moyens les plus efficaces est le chemin de fer et l’utilisation des petites gares de proximité, pour la plupart déconnectées du réseau depuis plusieurs décennies. Ces petites gares, qui donnent corps au lien si important entre la ville et la campagne, peuvent être sauvée et valorisées avec une réelle volonté politique.
 
La mobilité est la clé de voûte des territoires, élément essentiel de l’attractivité, de la capacité d’emploi, et de la connexion humaine. Il est donc urgent et nécessaire de proposer une offre de services plus décentralisée : ouvrir des gares, construire de nouvelles lignes. Il est possible de s’appuyer sur l’existant pour préparer le monde à venir, en prenant pied sur le réseau ferré de France, qui a maillé l'Hexagone pendant des décennies, et qui constitue à notre échelle un héritage à haut potentiel.

La voiture


Pollution, embouteillage, prix à la hausse, crise énergétique : l’utilisation d’une voiture comme moyen de locomotion individuel est mise à mal par plusieurs facteurs, qu’ils soient écologiques ou économiques.

La voiture perd son charme d’antan et on cherche à répondre à un besoin de mobilité croissant dans un monde de plus en plus connecté. Les politiques visant à rechercher des alternatives à la mobilité automobile sont plurielles et les élus, comme les entreprises, font parfois preuve d’une grande originalité pour satisfaire les usagers. 

Le covoiturage, la solution à l’« autosolisme » ? 

En pleine phase de transition, il n'est pas envisageable de définitivement mettre de côté les automobiles. Néanmoins, il est possible de fortement limiter son impact carbone et d’amortir son coût d’utilisation.

Placé entre besoin pratique et nouvelles rencontres, le covoiturage semble être une solution pour les communes et notamment celle de Nantes. C’est aux couleurs du jaune et du vert que les plateformes de covoiturage tel que « Ouestgo.fr », « Covoit'tan » et « CocliquO » ont été créées. Le but est de favoriser la mise en relation entre automobilistes et piétons et limiter “l’autosolisme” pourtant si courant. 

Ce constat est partagé par Mathieu Klein, maire de Nancy, qui lui aussi souhaite favoriser le covoiturage mais sans laisser l’avantage aux entreprises à but lucratif.

La plate-forme coopérative de covoiturage Mobicoop est installée au cœur même de Nancy. Le principe est toujours le même dans la plupart des cas : mettre en place un service solidaire et gratuit. Pour cela, le covoiturage n’est pas conditionné à une commission sauf dans de très rares cas où une indemnité peut être accordée aux bénévoles en fonction de l'accord trouvé avec la collectivité et des tâches effectuées.

Une belle preuve de solidarité qui fait l’essence de la Meurthe-et-Moselle. La municipalité a mis en place en place également un service d'autopartage : Citiz Lorraine, qui met à la disposition des usagers un parc de stations sur le territoire de la Métropole. Avec ses 7 stations d'autopartage, ce sont près de 70 000 kilomètres qui ont été parcourus grâce à ces automobiles en libre accès.


Les aventuriers du rail


Le train reste le premier outil sur lequel les collectivités, notamment les régions, peuvent s’appuyer pour permettre aux habitants de se déplacer rapidement, facilement et dans un cadre agréable. 

L'exemple de la Nouvelle-Aquitaine : 

Pour favoriser la souplesse dans les déplacements de ses usagers, la Région Nouvelle-Aquitaine a misé sur la complémentarité entre l’offre TER et TGV depuis 2017.

De plus, l'application Modalis permet, avec les différents types de transports locaux, de calculer rapidement et en temps réel le meilleur trajet pour arriver à destination.

Enfin, un report modal, en accord avec les engagements écologiques de la Région, est aussi appuyé.

La réouverture de certaines lignes comme les plus petites, sujet faisant débat au parlement, fait partie de cet accord, notamment celle reliant Pau-Canfranc-Saragosse. Cela facilitera le lien entre Pau et Saragosse pour les particuliers via un trafic ferroviaire adapté aux besoins des usagers. 

Voyager en train, mais à quel prix ? 

La Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée a décidé de mettre en place le train à 1 euro lors de chaque premier week-end du mois. Ce dispositif, en place depuis le 3 décembre, vise à démocratiser l’utilisation des transports en commun dans un contexte d’augmentation du prix du carburant, mais aussi à apporter des solutions de déplacements limitant l’impact carbone au vu de la crise écologique. 

En Bourgogne-Franche-Comté, une réduction de 50% sur tous les trajets pour les moins de 26 ans est appliquée. Cela provoque une augmentation de plus de 45% de l’utilisation du réseau ferroviaire par les jeunes.

Plus encore, via une tarification solidaire, les jeunes, les personnes en recherche d’emplois ou encore les bénéficiaires de la CMU peuvent obtenir jusqu’à 75% de réduction sur le tarif normal TER régional favorisant la démocratisation de l'accès aux transports à toutes et tous, notamment aux plus précaires.

L'autobus sous toutes ses formes


L’interconnexion des moyens de transport est une question essentielle pour favoriser un dessert et une offre de qualité.

En Région Bretagne, présidée par Loïg Chesnais-Girard, dans les zones non desservies par le train, les cars BreizhGo irriguent le territoire pour apporter un vrai service aux populations. Notamment en ce qui concerne les transports scolaires.

En Ille-et-Vilaine, département présidé par Jean-Luc Chenut, 32 000 écoliers sont transportés sur plus de 570 trajets spécifiques.

Plus généralement, ce sont à peu près 100 000 élèves qui rejoignent chaque jour leur établissement grâce aux cars, trains et bateaux mis à disposition par la Région et ce depuis la rentrée 2020. 90% des coûts de ce dispositif sont pris en charge par la Région. Les familles peuvent même, si elles le souhaitent, recevoir gratuitement un gilet fluorescent par enfant pour leur permettre de rentrer à pied en toute sécurité si le trajet se fait, en partie, de nuit.  

Un investissement considérable pour les collectivités

Pour le Centre-Val de Loire, ce sont 190 millions qui sont alloués aux transports en commun.  Un gros investissement qui entretient le réseau multimodal appelé REMI (REseau de Mobilité Interurbaine) comprenant des « Intercités », des TER et un réseau de cars.

Cette politique a surtout permis une mise en circulation de 1 750 cars RÉMI divisés en 150 lignes interurbaines régulières pour quasiment 9 000 voyages quotidiens.

Beaucoup de communes anciennement enclavées sont maintenant desservies par ce réseau

A l’inverse, les collectivités qui, à défaut de disposer d’autant de ressources, produisent elles aussi de bonnes idées. Jean Laviolette, maire de Brie-Comte-Robert, a instauré un service de bus entièrement gratuit au sein de sa commune de 16000 habitants pour une surface de presque 20km carré, soit plus que Genève.

Pour lier ce grand espace, le service fonctionne en matinée de 8h30 à 13h les mardis, vendredis et dimanches reliant centre-ville et maisons plus éloignées. 

Un service comparable à la ville d’Issoudun, dont le maire, André Laignel a mis en place un nouveau service, le TIG express. Il sera en phase d’essai pendant six mois avec un coût prévu de 60 000 €. Ce projet consiste à proposer des bus qui circuleraient en boucle depuis la gare tous les matins de 6h30 à 8h30 et les soirs aux heures de pointe vers les zones d’activité. Une manière de désenclaver les zones rurales hors centre-ville. 

Quid des heures de pointe ? 

Il faut également assurer le service public aux habitants qui travaillent tard en soirée ou qui souhaitent bénéficier des activités sportives et culturelles proposées par la commune. En ce sens, Isabelle Assih, maire de Quimper, à soutenu le service QUB Noz. Il s’agit de proposer un service du lundi au samedi de 20h à minuit et sur réservation jusqu’à 1h avant le départ. Le but est de rentrer le soir grâce à ce dispositif flexible et mettre à mal une possible discrimination géographique.

Le tramway


Un transport ancien en pleine réinvention !

Récemment, un nouveau type de déplacement s’offre aux collectivités, synthétisant les qualités des Bus et des tramways : les « Bustram » ! Un transport décarboné, aucun rail nécessaire pour circuler et pouvant même, par la suite, être automatisé.

La ville de Montpellier a choisi d’installer un réseau de 5 lignes de  « Bustram »  d’ici à 2025 qui  bénéficiera de voies réservées qui seront prioritaires sur les voitures et aux feux de circulation. 

A Lille, la maire Martine Aubry souhaite limiter l’utilisation de l’automobile au sein de la métropole. L’objectif est de proposer aux habitants de disposer du territoire comme ils l’entendent sans que la distance ne soit une variable limitante. La capitale des Flandres possède alors de solides arguments : un des métros les plus modernes d’Europe.

Le réseau « Lléva » fête ses 30 ans et est entièrement automatisé ! Avec ses deux lignes de métro pouvant libérer une rame toutes les minutes en heure de pointe, la métropole assure une fluidité et un confort au sein de ses transports.

Nantes : Deux nouvelles lignes sont en cours de création, 61 nouvelles rames seront livrées entre 2023 et 2026 qui permettront d’augmenter la capacité d’accueil des rames avec +20 % de voyageurs.Le plan de déplacement urbain (PDU) de Nantes vise à favoriser l’utilisation, par les citadins, des transports en commun pour limiter l’impact écologique des déplacements et favoriser les mobilités urbaines. Des objectifs ambitieux que Johanna Rolland compte bien concrétiser. 

L'essor du deux-roues


À l’heure de l’ « ubérisation » de notre économie, les taxis réussissent toujours à garder une place prépondérante comme moyen de déplacement utilisé par les Français. Néanmoins, cela n’empêche pas de réinventer la façon d’utiliser le terme taxi pour s’adapter aux besoins des habitants d’un territoire. 

Consciente de cela, la mairie de Lille a entrepris le développement d’Happymoov sur sa commune. Cette entreprise propose un service de transport éco-responsable. Elle met en relation des chauffeurs doté de vélos cargo et des particuliers parfois bien chargés ! Il est possible de commander son vélo-taxi via son Smartphone grâce à l'application ou de se rendre à des spots qui existent également pour les récupérer.

Si les habitants ne souhaitent pas faire appel à un professionnel, des vélos familiaux sont aussi mis à disposition par l’association Vélowomon.

Pour faire leurs courses ou transporter les enfants à l’école, les vélos cargo, biporteurs ou triporteurs de 2 ou 4 places peuvent être une solution. En plus de proposer une offre pratique pour se déplacer en ville, l’association anime aussi des formations de sensibilisation aux enjeux écologiques. De quoi lier pratique et théorique. Une solution à moindre coût et plus personnelle serait celle de la location de vélo.

L'agglomération du Grand Chambéry propose la location de vélo à un euro dans le cadre du dispositif qualité de l'air. Ainsi, lors des grands épisodes de pollution, une incitation financière à rouler à vélo permettrait l’utilisation de transport éco-responsable. 

C’est récemment que le conseil communautaire de Quimper Bretagne Occidentale, présidée par Isabelle Assih propose une aide, non pas à la location ponctuelle de deux roues décarbonés, mais à l’achat pour les vélos à assistance électrique (VAE). Réservée aux particuliers résidant au sein d’une des 14 communes de l’agglomération, cette mesure permet de rendre plus inclusif le déplacement à vélo tout en incitant les sceptiques à changer leur manière de se déplacer. 

La ville de Paris est passée de 5 km de pistes cyclables en 1995 à plus de 1000 km en 2019 ! Avec l’augmentation des pistes cyclables, la praticité de ce déplacement est considéré comme le plus rapide actuellement.Au sein de Paris intra-muros ou encore la mise à disposition d’un service de location ponctuel de vélo dit “ Vélib’ “, la ville lumière a fait le pari du deux-roues non motorisé sur le long terme. La croissance de l’utilisation des vélos de plus de 60% entre 2019 et 2020 semble confirmer les choix faits par la commune.  

Lever le pieds sur les déplacements motorisés


Malgré tout, la marche à pied reste le déplacement le plus prisé en ville. Sécurité et praticité sont centrales pour permettre aux piétons de se déplacer tranquillement.

Étant le premier mode de déplacement dans la Métropole, elle représente 40 % des déplacements franciliens. L’évolution de l’espace public accompagne fortement cette dynamique.

Favoriser le déplacement des piétons reste une volonté politique

Ainsi, on remarque la multitude de mesures mises en place à Paris par Anne Hidalgo avec les limitations de vitesse, les zones piétonnes ou la volonté du “tout à 15 minutes”. 

Une volonté similaire se dessine à Lille depuis plusieurs années et les aménagements pour favoriser les déplacements à pied sont conséquents. La ville a, en plus d’un système de signalétique piétonne, plusieurs aménagements dédiés aux piétons : bancs, zones piétonnes et trottoirs aménagés. Plus encore, la création de zones de rencontres supplémentaires et des « rues partagées » avec priorité aux piétons ont aussi été installées.

Couplée à un élargissement des rues et à l’extension des piétonnisations temporaires en cœur de ville lors des week-ends et jours fériés, les passants et promeneurs lillois possèdent tout ce qu’il faut pour des trajets agréables et en toute sécurité.

Une mobilité partout, pour tous !


Avoir un réseau de transport performant n’est pas la seule condition pour permettre à un maximum de concitoyens d'emprunter les moyens de déplacement public. Des politiques inclusives à destination des plus précaires ou des personnes à mobilité réduite sont essentielles.  

Pour éviter de mettre tout un pan de sa population de côté, Jean Laviolette, maire de Brie-Compte-Robert a créé le principe de « petite voiture jaune » à réserver sur son territoire. Le CCAS (centre communal d’action sociale) de la ville permet aux personnes ayant des difficultés de déplacement, notamment les plus âgées, de les accompagner dans leurs déplacements (courses, rendez-vous médicaux…). La petite voiture jaune vient chercher à domicile, pour seulement 2 euros la course, les citadins de cette commune de Seine-et-Marne.

Les plus jeunes aussi sont concernés par certaines mesures

Étant source de richesse et de dynamisme pour un territoire, mettre en place des politiques d’accompagnement à destination des jeunes peut aussi bien être bénéfique à ces derniers, mais aussi aux collectivités

Pour cela, le Département des Landes offre une aide au permis à tous les néo-majeurs. Géré par la Mission Locale, ce fond d'aide aux jeunes est destiné aux 18-25 ans en très grande difficulté, sans ressources ou très faibles.
 

La mairie de Nancy va plus loin en laissant la possibilité de bénéficier de tous les services de transport en commun. Le Maire socialiste, Mathieu Klein propose un tarif préférentiel à tous les étudiants de 20€ par mois.  ​

Plus encore, un service de bus de nuit a été mis en place pour joindre les zones de fêtes étudiantes connues aux résidences étudiantes.  La bien nommée Ligne Pleine Lune opère du jeudi au samedi soir (sauf jours fériés). Ce service reste gratuit le week-end, sans réservation préalable. 

Enfin, à Brest, en ce qui concerne les personnes à mobilité réduite, le maire François Cuillandre, a instauré une CMI (carte mobilité inclusion) qui permet d’utiliser certains emplacements réservés aux administrés à mobilités réduites. Ce sont plus de 16 000 places qui ont été aménagées dans la commune pour permettre aux automobilistes de se garer à proximité des gares ou des arrêts de tramway pour limiter l’utilisation des automobiles tout en réservant une partie non négligeable de ces places aux personnes à mobilité réduite.

Les collectivités regorgent d’originalité et de volonté pour permettre de se mouvoir en toute simplicité

Pour permettre de se perfectionner toujours un peu plus, le sujet des mobilités est souvent à l’origine de nombreux débats. 

Jeudi 8 décembre dernier, notamment, lors de la deuxième édition des Rencontres de la gauche, Carole Delga a pu insister fortement sur la nécessité d’entretenir un volontarisme politique pour développer et favoriser la mobilité sur un territoire.


ET PENDANT CE TEMPS, EN ILE-DE-FRANCE...

Cela restera financièrement plus compliqué pour les franciliens. A l’heure où la présidente de Région, Valérie Pécresse, soutenue par la droite, souhaite augmenter le prix du Pass-navigo de 12% par rapport au coût actuel. L’hypothèse d’un pass à 100 euros reste néanmoins écartée grâce à une hausse conséquente de la contribution des collectivités locales.

Sophie Boudissa, 1ère adjointe de Compans (77) et comptable à la FNESR !